Pelote à épingles au poignet, mètre ruban en poche et blouse au logo et aux couleurs du Bon Marché, Adrien traverse souvent le magasin avec son uniforme d’essayeur-retouche, et encore plus fréquemment au moment des soldes. Appelé sur les espaces de vente pour réaliser un devis ou une prise de mesures, l’Essayeur retouche fait partie d’une équipe d’une dizaine de personnes, qui évoluent entre les stands, du -1 pour la Mode homme en passant par les 1er et 2e étages et jusqu’au 4e étage où se situe leur atelier. Le contact avec les clients fait partie de son quotidien. « Nous avons la responsabilité de rendre aux clients un vêtement parfait pour qu’ils puissent le porter directement ».
La couture fait partie de sa vie depuis son enfance, à Barentin dans la Manche, où il a passé beaucoup de temps dans l’atelier de sa mère, à assembler des bouts de tissu dès 7 ou 8 ans. Le jeune homme décroche une licence de modéliste et enchaîne les missions d’intérim. À Paris, il travaille comme retoucheur pour un créateur de robes de mariées, fait des finitions à la main pour des défilés de mode. Vendeur d’articles de créateurs, il découvre ensuite la relation clients. « Cette expérience m’a donné envie de creuser dans cette voie-là », reconnaît-il.
À ses débuts au Bon Marché, en 2017, sa responsable de l’époque lui apprend les rouages de l’atelier en interne. « Tout doucement, j’ai commencé à descendre sur la surface de vente avec mes collègues, qui m’ont montré comment se passait la prise en charge de la retouche ». Le couturier apprend à vaincre sa timidité pour se présenter et être à l’aise dans l’intimité de la cabine avec le client. « Il s’agit de trouver les mots pour expliquer, une jambe plus longue que l’autre, une épaule un peu plus relevée, sans blesser. Nous avons tous une petite asymétrie, qui s’accentue avec l’âge », remarque Adrien. Lui qui confectionnait des habits pour les Barbie de sa soeur, se passionne pour l’anatomie, et apprécie le savoir-faire très technique de son métier. « J’ai fait mon premier stage auprès d’un tailleur qui faisait du sur-mesure, entièrement à la main. Il m’a expliqué comment aborder le corps, être un bon observateur, et comprendre la construction d’un vêtement, pour pouvoir le modifier ».
Son quotidien se partage ainsi entre les demandes et les retouches à réaliser dans le cocon de l’atelier. Adrien évoque un métier physiquement exigeant. « Notre but, c’est que le client ne voit pas que l’on est intervenu sur le vêtement ». Son bonheur ? « Quand on me dit : c’est très bien, le vêtement me va parfaitement », apprécie-t-il, conscient de l’importance de son rôle lors « d’occasions de vie joyeuses ou tristes ». Côté privé, Adrien accompagne ses amis fans de cosplay dans leurs projets de costumes inspirés des animés japonais. « C’est le côté plus extravagant de la mode, c’est complémentaire ». Passionné de voyages, il est retourné au Japon cette année, pour la troisième fois. « C’est un pays avec un grand savoir-faire. J’ai beaucoup à apprendre sur la fabrication des tissus et des tenues traditionnelles ».